Shabinskyi Mikola

candidate of pedagogical sciences,

docent of the Chair of

Practice of Foreign Languages of

Volodymyr Dahl East Ukrainian

National University

 

Transcription de la langue française et les symboles de l’Alphabet Phonétique International.

Cas du vocalisme.

In the article peculiarities of use of symbols of International phonetic transcription in the process of French vowels sounds have been analyzed. Practical recommendations concerning a search and use of specified French notes by Microsoft Windows’ users have been enlightened too.

1.     Introduction

Cette étude est de triple but :

1) présenter les règles de transcription phonétique du français à l'aide des symboles de l'Alphabet Phonétique International (A.P.I.)[1],

2) préciser certains facteurs responsables de la variabilité des réalisations phonétiques, notamment pour les voyelles

3) donner les caractères spécifiques phonétiques qui sont difficiles à trouver mais qui restent nécessaires aux spécialistes travaillant avec la transcription.

Transcrire phonétiquement un énoncé oral, c'est noter, à l'aide d'un alphabet conventionnel, la séquence des sons phonétiques qui composent cet énoncé. La graphie traditionnelle, utilisant un alphabet d'une quarantaine de lettres (graphèmes) n'est pas suffisante dans la mesure ou il y a rarement correspondance entre la représentation (ortho) graphique et la prononciation : « lettres muettes », valeurs phonétiques différentes associées à la même lettre ou groupe de lettres (exemples : un fil / des fils de fer; un / des fils à papa; psychique / psychologie; j'ai eu un peu peur).

Le principe général de la transcription phonétique est : à chaque son correspond un et un seul symbole phonétique, et à chaque symbole correspond un et un seul son[2].

De manière erronée, on présente souvent la transcription phonétique comme l'homologue pour la parole de la notation musicale. Celle-ci associe de manière biunivoque un groupement de symboles (clé, portée, dièse, forme des notes...) à un nombre fini de notes pouvant être définies de façon précise par rapport à un étalon (le la 440 Hz). Or le nombre, ainsi que la nature des sons phonétiques utilisés en français, comme dans toute langue, ne se laissent pas définir aussi aisément. L'analyse acoustique de productions naturelles révèle que les voyelles notamment ne se regroupent pas en un petit nombre de catégories bien délimitées au plan physique, mais qu'elles couvrent de manière plus ou moins homogène la totalité de l'espace acoustique potentiel. Le problème peut être posé ainsi :

Deux sons physiquement distincts (S1, S2) peuvent :

1 - être perçus comme identiques : un auditeur associe aléatoirement le 2ème élément S2 d'un triplet S1-S2-S1 au premier ou au deuxième élément.

2 - être perçus comme différents, sans que la substitution de l'un à l'autre dans un mot quelconque n'en change le sens (principe théorique de la commutation, fondement de la phonologie classique).

3 - être perçus comme différents, et provoquer un changement de sens par commutation (échange).

Il est clair que toute transcription phonétique doit au minimum utiliser un symbole distinct pour tous les sons qui assurent des distinctions linguistiques (réalisations de phonèmes différents). Mais la finesse de la notation peut être beaucoup plus grande, n'étant limitée en théorie que par le pouvoir discriminatif du couple oreille-cerveau si une quinzaine de sons vocaliques sont linguistiquement nécessaires en français, plus d'une centaine de timbres différents peuvent être discriminés.

Empiriquement, P. Passy a choisi, il y a plus d'un siècle (1887), une transcription « large » du français, c’est-à-dire proche du minimum requis par les considérations linguistiques, dans le cadre des travaux de la « Phonetic Teachers' Association », fondée en 1886, précurseur de l'Association Phonétique Internationale (International Phonetic Association).

La notation A.P.I. a remplace aujourd'hui les notations plus anciennes encore utilisées par les dialectologues.

L'A.P.I. propose une table de symboles phonétiques[3], révisée pour la dernière fois en 2005, permettant de noter l'ensemble des sons des langues du monde, et qui s'est imposée comme une norme de fait. Les symboles utilisés pour transcrire le français sont un sous-ensemble des symboles de l'A.P.I., définis par une description articulatoire et un exemple choisi dans une langue particulière. Ces symboles appartiennent le plus souvent à l'inventaire de la typographie classique, et on utilise largement le renversement et l'opposition majuscule/minuscule : il convient donc d'en respecter scrupuleusement la forme exacte afin d'éviter les confusions[4].

Nous ne parlerons ici que d'un français « standard » non-méridional. Dans ce cadre, la moins mauvaise définition de « standard » pourrait être : variété qui ne permet pas d'inférer d'informations sociolinguistiques sur le locuteur qui l'emploie (origine géographique, condition sociale, âge...). Ce français standard n'est pas plus l'apanage des Parisiens que des Tourangeaux. Beaucoup de locuteurs non méridionaux qui parlent un français peu marqué conservent néanmoins quelques traces de français régional (cf. Carton & al.). C'est particulièrement le cas dans le Nord ou en Lorraine[5]. Ce français « standard » est sans doute une fiction, mais utile.

Nous prendrons comme une primitive la notion de syllabe, c’est-à-dire les « morceaux » de mots que découpe un locuteur naïf, un jeune enfant non encore lecteur par exemple, quand on lui demande de ralentir son débit à l'excès.

Contrairement à l'usage scolaire, un mot comme belle n'a qu'une syllabe - bel : le « e muet » final ne forme jamais syllabe. Par définition, chaque syllabe comprend une et une seule voyelle. Réciproquement, à chaque voyelle correspond une et une seule syllabe. La voyelle brève de timbre « eu » que l'on peut entendre à la fin d'un mot après un groupe consonantique « lourd », comme dans arbre par exemple, n'est qu'une détente vocalique et ne forme pas syllabe : arbre est monosyllabique. Cette détente vocalique « protège » la dernière consonne qui a tendance à disparaitre, par exemple « quat » pour quatre, « arb » pour arbre.

Si l'accord des locuteurs est total sur le nombre de syllabes de chaque mot, la délimitation des frontières syllabiques est beaucoup plus délicate, et ce problème ne sera pas traité ici.

On appelle syllabe ouverte une syllabe se terminant par la voyelle. Si une ou plusieurs consonne(s) termine(nt) la syllabe, elle est dite fermée é-té est forme de deux syllabes ouvertes; es-tim de deux syllabes fermées.

2.     Les Voyelles

En faisant varier la voyelle de la syllabe « l + voyelle », on obtient une longue liste de mots différents. Par convention, une transcription phonétique d'un son, d'un mot, ou d'une phrase entière est placée entre crochets droits, par exemple [fɔnetik].

Voici le tableau des 10 voyelles non nasales du français[6].

[li] lit

[ly] lu

 

[lu] loup

[le] les

[lø] (b)leu

 

[lo] l'eau, lot

[lɛ] lait

[lœR] leur

 

[lɔR] l'or

 

 

[la] la

 

Les voyelles [œ] et [ɔ] n'apparaissent jamais en position finale absolue de syllabe, donc jamais en fin de mot, d'ou le R final dans les exemples. C'est une règle fondamentale de la distribution des voyelles du français. Les symboles [y] et [u] notant la prononciation des graphies « u » et « ou » respectent les conventions orthographiques de plusieurs langues européennes, mais pas du français. Les limites de mots sont inaudibles, et il n'y a pas de différence entre l'eau et lot, par exemple.

Le français fait aussi appel à trois voyelles dites nasales. Certains locuteurs, mais pas tous, distinguent en plus [œ̃] de [ɛ̃]. La graphie « -n » ou « -m » n'a bien sur aucune réalité phonétique.

[lɛ̃] lin      [lɑ̃] lent             [lɔ̃] long            ([lœ̃] l'un)

Le signe diacritique (c’est-à-dire « indiquant une modification ») de la nasalisation, place au dessus de la voyelle, est le « tilde » espagnol[7]. Notez le symbole de [ɑ̃] qui n'est pas [ã].

Sans entrer dans le détail des réalisations articulatoires, notons que dans le tableau ci-dessus, les lignes correspondent de haut en bas aux voyelles dites respectivement fermées, mi-fermées, mi-ouvertes et ouvertes.

Les deux premières colonnes correspondent aux voyelles antérieures, les deux suivantes aux voyelles centrales et postérieures. Les voyelles des colonnes 2 et 4 sont dites arrondies (ou labialisées).

Plusieurs voyelles identiques peuvent parfaitement coexister côte à côte : il arriva à Amiens [ilaRivaaamjɛ̃].

Les paragraphes suivants traitent des règles de distribution et de quelques règles orthoépiques (c'est-à-dire de correspondances entre graphèmes (lettres ou groupes de lettres) et prononciation phonétique) pour quelques couples de voyelles.

2.1.         [ɛ] / [e]

Pour être complet, sept paramètres doivent être pris en compte pour prévoir la distribution de ces voyelles:

la nature de la syllabe (ouverte/ fermée)

la position de la syllabe dans le mot (finale / non finale),

la graphie,

la catégorie grammaticale,

les variations sociolinguistiques, régionales et individuelles, et, le cas échéant,

l'analogie avec la forme du « radical »

l'harmonisation vocalique.

A - Syllabe finale

• Lorsque celle-ci est fermée, le timbre[8] est toujours [ɛ] : amer [amɛR], caisse [kɛs]. [e] est absolument impossible en français standard en syllabe finale fermée : mer [mɛR], jamais *[meR][9]

• Lorsque la syllabe finale est ouverte, l'opposition ...Ce# / ...Cɛ#[10] peut être distinctive, c’est-à-dire porteuse de sens : pré [pRe] - prêt [pRɛ]; épée [epe] – épais [epɛ], bien que dans ce dernier exemple les catégories grammaticales soient différentes.

Mais il faut être conscient qu'en syllabe ouverte une prononciation intermédiaire entre [e] et [ɛ] est souvent possible. Prêt, s'il est prononce [pre], est davantage perçu, si cette prononciation est remarquée, comme une variante individuelle ou régionale relativement acceptable, à l'inverse de la situation en syllabe fermée, ou mer prononce *[meR] est inacceptable.

• L'usage est plus strict lorsque l'opposition [e] / [ɛ] joue un rôle morphologique : les formes verbales de l'imparfait, du conditionnel et du subjonctif prennent [ɛ], celles du présent en « -ez », de l'infinitif en « -er » et du participe passe en « -é(es)) » sont prononcées [e].

• L'opposition futur - conditionnel (j'aimerai / j'aimerais) n'a pas d'existence réelle.

• Les verbes monosyllabiques fréquents comme j'ai, je sais, il sait, je fais, il fait, tu es, il est ... ont souvent un timbre intermédiaire entre [e] et [ɛ].

• Pour les autres catégories grammaticales, comme les substantifs, [e] n'est obligatoire que pour les formes en « - é(es) » et en « éC » (rocher, nez, pied ...). Les formes en « -et » ou « êt » (foret, forêt) sont variables, tout comme celles en « -ai » (quai, gai, vrai) qui ont [e], [ɛ] ou une voyelle de timbre intermédiaire.

• La conjonction et se prononce [e]. Les articles, pronoms, et mots grammaticaux brefs (ces, les, des, tes ...) prennent souvent un timbre intermédiaire.

B - Syllabe non finale

• En syllabe fermée, [ɛ] est obligatoire : section [sɛk], perdu [pɛR] (cf. événement prononce [evɛnmɑ̃]). La seule exception se produit lorsque la fermeture de la syllabe est provoquée par la chute d'un « e muet ». Dans ce cas, certains locuteurs conservent le timbre original de la syllabe ouverte : élevé prononce [elve] au lieu de [ɛlve], médecin [metsɛ̃].

• En syllabe ouverte, [e] comme [ɛ] sont possibles, mais également une voyelle de timbre intermédiaire. La graphie joue un rôle important (comme dans le cas des syllabes finales ouvertes) : la graphie « -e- » tend à se prononcer [e]. Mais cet effet peut être contrecarré par l'harmonisation vocalique, c’est-à-dire l'influence de la voyelle suivante, la finale notamment. Si celle-ci est ouverte, la voyelle [e] s'ouvre en [ɛ]. On peut expliquer ainsi la prononciation possible [ɛkɔl] pour école, [ɛsɑ̃s] pour essence et [RɛapaRɛtr] pour réapparaître malgré l'orthographe.

2.2.         [o] / [ɔ]

• En position finale absolue de mot, on ne trouve que [o], [ɔ] étant interdit comme indiqué plus haut : [bato] jamais *[batɔ] pour bateau.

• En syllabe fermée, [o] et [ɔ] sont possibles, mais la grande majorité des [o] ne s'écrivent pas « -o- » : saule, heaume, côte, sauf devant une nasale graphique unique et prononcée (tome, atome...) et devant [z] : ose, chose, rose.

• En syllabe ouverte non-finale, on hésite entre [o] et [ɔ], et l'harmonisation vocalique ou l'influence de la forme radicale peut se faire sentir. Notons enfin que le timbre de [ɔ] peut être proche de [œ] : joli prononce [ʒœli].

2.3.         [ø] / [œ]

Seul [ø] est possible en position finale absolue de mot. Il n'existe pratiquement pas de paires minimales concernant ce couple (c’est-à-dire de mots ne différant qu'en un point de la chaine phonétique) : jeune (homme) [ʒœn] / jeune (jeuner) [ʒøn], mais ce dernier, peu usité, est souvent prononcé comme le premier.

• En syllabe finale fermée, [ø] précédé exclusivement les consonnes [z] (suffixe « -euse » très fréquent), [ʒ], [k], [t], [d] et [tR] : Maubeuge, meute, Eudes, pleutre...

• En syllabe non finale ouverte, le timbre est souvent intermédiaire entre [ø] et [œ]. L'influence de l'harmonisation vocalique ([mønje] meunier) ou d'une forme de base est sensible : [nœvjɛm] neuvième, cf [nœf] neuf); [malœRøzmɑ̃] malheureusement, cf. [malœR] malheur, opposé à [øRøzmɑ̃] heureusement, cf. [øRø] heureux.

2.4.         [a] / [ɑ]

On ne distingue plus guère deux « a » en français, et il n'en figure qu'un sur notre tableau : [a] est dit « a antérieur » et [ɑ] « a postérieur ». On observe, soit une neutralisation complète (perte totale de la distinction) au profit de [a], soit la conservation d'une simple opposition de durée à timbre constant : [a] / [aː][11], soit, plus rarement, la conservation d'une opposition de timbre, accompagné souvent d'une différence de durée, pour certains mots. La conservation d'une différence est facilitée par certaines caractéristiques orthographiques : présence d'un accent circonflexe, consonne graphique non géminée (redoublée), présence d'un « s » graphique muet...

Voici quelques exemples :

a         ɑ(ː)        a         ɑ(ː)        a             ɑ(ː)        a           ɑ(ː)

bail      bâille      Anne    âne        ta            tas         grasse    grâce

malle    mâle      halle     hâle       qu'a         cas        salle       sale

patte    pâte       balle     Bâle       pack        Pâques

tache    tâche     rat        ras         (chaque)  Jacques

2.5.         [ɛ̃] / [œ̃]

Cette distinction est ignorée de nombreux locuteurs. Ils prononcent brun [bRœ̃] comme brin [bRɛ̃], emprunte [ɑ̃pRœ̃t] comme empreinte [ɑ̃pRɛ̃t]. Lorsqu'il est employé, [œ̃] correspond presque toujours à la graphie « un ».

2.6.         [ə] « e muet » ou schwa

Bien que cette affirmation figure dans certains manuels, il n'est pas exact que le symbole [ə] appelé schwa note une voyelle phonétiquement distincte de [ø] ou [œ]. On viole donc le principe général de la transcription phonétique. Quelle que soit la raison qui a motivé à l'origine son emploi, il faut considérer que ce symbole note une voyelle de timbre [ø] ou [œ] qui peut disparaître (s'élider), sauf exceptions, en français parlé et qui a (quasiment) toujours « e » comme correspondant graphique, très exceptionnellement « ai » (faisons), « on » (monsieur) ou « eu » (peut-être).

Jeudi se transcrira [ʒødi] et je dis [ʒədi], quelle que soit la prononciation exacte du second, car la voyelle de je peut disparaitre : [ʒdi] qu'il a raison, mais jamais celle de « jeu- » : il est venu *[ʒdi] dernier

L'examen de toutes les élisions possibles dans la phrase je me le demande est instructive:

        [ʒəmələdəmɑ̃d][12]             ?[ʒ m lədəmɑ̃d]

        [ʒ mələdəmɑ̃d]                *[ʒəm l dəmɑ̃d]

        [ʒəm lədəmɑ̃d]                *[ʒəməl d mɑ̃d]

        [ʒəməl dəmɑ̃d]                *[ʒ m l dəmɑ̃d]

        [ʒəmələd mɑ̃d]                *[ʒəm l d mɑ̃d]

        [ʒ məl dəmɑ̃d]                *[ʒ m l d mɑ̃d]

        [ʒəm ləd mɑ̃d]

On peut supprimer chaque schwa, ainsi que le premier et le troisième, ou le second et le quatrième (première colonne). Il est plus difficile de supprimer deux schwas consécutifs, et impossible d'en supprimer 3 sur 4, ou les 4 à la fois. La raison n'est pas difficile à trouver : un schwa ne peut disparaître que si sa chute ne crée pas un groupe consonantique complexe imprononçable.

En règle générale, un groupe consonantique est imprononçable s'il est composé de plus de deux consonnes, sauf si la dernière est [R] ou [l][13] : c'est pourquoi ?[ʒmlədəmɑ̃d] est plus facile à prononcer que *[ʒəmldəmɑ̃d]. En règle générale donc, deux [ə] successifs ne tombent pas simultanément.[14]

Ces remarques sont fondamentales pour comprendre pourquoi la transcription de brebis par exemple est [bRəbi] et non *[bRøbi]. Il est vrai que la voyelle ne peut pas disparaître. Mais elle s'écrit « e » tout seul, à l'inverse de breuvage [bRøvaʒ], par exemple. On considère qu'il s'agit bien d'un schwa, mais qu'il ne peut disparaitre car sa chute provoquerait une catastrophe phonétique, une séquence [bRb] imprononçable. Dans breuvage, dont la prononciation de la première syllabe peut être identique, c'est la graphie « eu » qui dicte la transcription par [ø].

Transcrire *[bRøbi] rendrait complexe les règles de correspondance orthoépique, car les seuls « e » à être transcrits [ø] seraient ceux dont la chute provoquerait une catastrophe phonétique.

Aucun mot lexical (c'est-à-dire non grammatical) ne se termine (normalement) par [ə] en français. Mais c'est le cas de nombreux mots grammaticaux : le, ce, se, me, ne, te, que, de... : [lə], [sə], [mə]...

On notera encore que [ə] ne peut disparaitre dans le pronom le final de groupe (donne-le), dans les formes comme le hêtre ou dehors : [ləɛtR] [dəɔR] ou 1e « h » dit aspiré bloque l'élision, d'autant que la confusion avec l'être ou dort est inacceptable. C'est sans doute aussi le cas dans pelage [pəlaʒ] vis-à-vis de plage.

Les conditions d'élision en langage spontané sont en réalité assez complexes. Notons simplement le rôle du rythme qui peut rendre compte de la différence entre portefeuille et porte-monnaie, ou [ə] ne tombe facilement que dans le second.

Enfin un [ə] peut apparaitre (même si la graphie ne le suggère pas) pour éviter la rencontre de plusieurs consonnes entre deux mots : il sert alors de « lubrifiant » phonétique à la frontière de deux mots et peut ainsi « protéger » un [R] ou un [l] final. C'est le seul cas ou un mot lexical se termine par [ə].

lorsque trois [lɔRskətRwa]

reconnaitre que [RkɔnɛtRəkə]

boucle d'oreille [buklədɔRɛj]

ours blanc [uRsəblɑ̃]

Ouest-France [wɛstəfRɑ̃s]

Arc de Triomphe [arkədətRijɔ̃f]

3.     Règles d'allongement

Traditionnellement, on note par un double point [ː] juste après la voyelle la durée particulièrement longue des voyelles lorsque l'une des deux règles suivantes s'applique:

Règle 1 : Dans la dernière syllabe d'un groupe[15] (c’est-à-dire avant une pause silencieuse), toute voyelle s'allonge lorsqu’elle est suivie de l'une des consonnes suivantes : [R, z, ʒ, v], ou du groupe [vR].[16]

Exemple : En hiver, il y a beaucoup de neige [ɑ̃nivɛːR iljabokudənɛːʒ]

Règle 2 : Dans la dernière syllabe d'un groupe, les voyelles nasales [ɛ̃, ɑ̃, ɔ̃, (œ̃)] et les voyelles [o, ø] s'allongent quand elles sont suivies d'une consonne unique, ou d'un groupe formé de l'une des consonnes [p, t, k, b, d, g] (la classe des occlusives) + [R] ou [l]

Exemple : En septembre, la rivière est très haute [ɑ̃sɛptɑ̃ːbR laRivjɛRɛtRɛt]

De plus, on note, quelle que soit la position de la syllabe dans la phrase, la durée longue de la voyelle [ɛ] dans les mots ou elle est suivie graphiquement d'une seule consonne nasale [m, n], liquide [l, R] ou occlusive [p, t, k, b, d, g] (suivie éventuellement d'un [R] ou [l]) puis d'un « e » graphique. La présence d'un accent circonflexe (ai, e), tout comme la position finale de groupe, renforcent cette tendance.

[ɛː]                                 [ɛ]

maître                            mettre

fête                                 faite

reine                              renne

bête                                bette

bêle                                belle / bel

l'être                              lettre

tête                                 tette

Il semble bien que de nombreux locuteurs utilisent la représentation orthographique comme déclencheur de cet allongement.

Rappelons pour mémoire que le [ɑ] postérieur, lorsqu'il est utilisé, est intrinsèquement long dans les mêmes conditions que [ɛː]. Enfin, une tendance récente, mais non présente pour tous les locuteurs, est d'allonger les voyelles suivies de [b, d, g] (occlusives sonores) (+ [R] ou [1] éventuellement) en position finale de groupe.

Il y aurait donc généralisation de la première règle d'allongement.

L'ictus mélodique (c’est-à-dire la mise en valeur de la syllabe initiale d'un mot sémantiquement important par une élévation de la voix (techniquement une élévation de la fréquence fondamentale), tout comme l'accent d'insistance, allongent la voyelle de la syllabe ainsi accentuée.

Sous l'influence des français régionaux, certains locuteurs possèdent des règles supplémentaires, souvent morphologiquement déterminées, par exemple l'allongement de la voyelle finale des adjectifs ou participes passes féminins : fermée [fɛRmeː]

Enfin, certains mots présentent un allongement sans que celui-ci ne semble obéir à une règle : brume [bRyːm], mais plume [plym].

Police phonétique

La police Doulos, disponible par http://scripts.sil.org/DoulosSILfont, comprend tous les symboles de l'API ainsi que les diacritiques. Elle est compatible avec la police Times New Roman, ce qui veut dire que, dans une transcription, vous insérez seulement les symboles non disponibles en Times New Roman (par exemple par copier-coller à partir d'une liste comme la suivante : [ə ɛ ɔ o œ ɑ ɛ̃ ɑ̃ ɔ̃ œ̃ ʒ ɥ ɲ ʁ ŋ ʃ ɇ]

Conclusion.

Comme on vient de le voir, la transcription phonétique est bien plus qu'une question d'oreille. Sa pratique permet de découvrir des règles et régularités s'appliquant à des classes de sons. Elle introduit donc à cette discipline importante de la linguistique qu'est la phonologie.

Littérature

1.   Áóð÷èíñêèé Â.Í. Òåîðåòè÷åñêàÿ ôîíåòèêà ôðàíöóçñêîãî ÿçûêà // Ó÷åáíîå ïîñîáèå / Â.Í. Áóð÷èíñêèé, - ÀÑÒ, - 2006, - 184 ñ.

2. Ãîëóáåâ À.Ï. Ñðàâíèòåëüíàÿ ôîíåòèêà àíãëèéñêîãî, íåìåöêîãî è ôðàíöóçñêîãî ÿçûêîâ / À.Ï. Ãîëóáåâ, - Àêàäåìèÿ, - 2005, - 208 ñ.

3. Ãîðäèíà Ì.Â. Ïðàêòè÷åñêàÿ ôîíåòèêà ôðàíöóçñêîãî ÿçûêà // Ó÷åáíîå ïîñîáèå / Ì.Â. Ãîðäèíà. - Êíèæíûé ìèð, - 2003.

4. Ëèñåíêî Î.Ì., Òåðòè÷íà Í.Â., ×óãàé À.Î. Âñòóïíèé ôîíåòè÷íèé êóðñ ôðàíöóçüêî¿ ìîâè / Î.Ì. Ëèñåíêî, Í.Â. Òåðòè÷íà, À.Î. ×óãàé, - Â. Êàðïåíêî, - 2010 ð., 96 ñ.

5. Ðàïàíîâè÷ À.Í. Ôîíåòèêà ôðàíöóçñêîãî ÿçûêà. Êóðñ íîðìàòèâíîé ôîíåòèêè è äèêöèè / À.Í. Ðàïàíîâè÷, - «Âûñøàÿ øêîëà», - 1973, - 291 ñ.

6. Carton F., Léon P., Rossi M. & al. (1984) Les accents des Français, Hachette.

7. Lauret B. (2007) Enseigner la prononciation du français : questions et outils, Hachette, Paris

8. Léon M. & Léon P. (2004) La prononciation du français, Armand Colin.

9. Léon P. (2007) Phonétisme et prononciation du français, Armand Colin.

10. Martinet A. & Walter H. (1973) Dictionnaire de la prononciation française dans son usage réel, France-Expansion.

11. Walter H. (1977) La phonologie du français, P.U.F., Paris.

 



[1] http://en.wikipedia.org/wiki/International_Phonetic_Alphabet

[2] Rien n'irrite plus un phonéticien que d'entendre parler de « lettres » à propos des symboles phonétiques.

[3] http://en.wikipedia.org/wiki/File:IPA_chart_2005.png

[4] Pas de majuscule pour les noms propres ou en début de phrase, par exemple !

[5] Café prononce « cafè » en Lorraine, pour ne donner qu'un exemple.

[6] Le cas de [ə] sera étudié en détail plus bas au § 2.6

[7] Dans cette langue, le tilde se place au-dessus de la lettre « n », pour signaler une prononciation proche de « gn » en français (Espaa).

[8] Timbre : qualité sonore d'un son.

[9] L'étoile * devant une forme note une forme impossible ou déviante.

[10] « C » note une consonne quelconque. « # » note le début du silence, ce qui signale la fin d'une forme. Ce n'est pas un symbole de l'API

[11]  Le symbole «:» note la durée longue de la voyelle. cf. § 3

[12] On remarquera que l'on ne sépare pas les mots en transcription phonétique. Un espace correspond à un silence, qui peut séparer deux membres d'une phrase longue. Exceptionnellement ici, pour faciliter la lecture, nous avons laisse un espace à la place d'un schwa supprimé.

[13] C'est le cas des groupes commençant par [s] : strict, splendide.

[14] Notons que la règle sur la composition d'un groupe vaut au sein de la même syllabe. On peut trouver des groupes plus complexes si certaines consonnes appartiennent à une syllabe d'un mot et les autres à la syllabe suivante : extra [ɛk-stra]

[15] Une phrase de plus de 10-12 syllabes tend à se couper en deux membres appelés techniquement groupes. Un mot isolé ou une phrase courte forme donc un groupe.

[16] Le rôle de [j] est beaucoup moins net.